Donc, on y va.
Et pour compléter :Meishir a écrit : (25/06/2018) Chronique d’une lente spirale baissière ou comment tout est parti en vrille ou comment on apprend de ces erreurs ou le jour où j’ai peut-être brassé ma 1ère Wee Heavy.
Tout était bien parti : quelques recherches, quelques interrogations sur le fofo, une commande des ingrédients, une bonne planification et un moral d’enfer ce samedi matin, bon en fait dès le vendredi soir où j’ai stocké le volume d’eau nécessaire (je filtre mon eau).
Pour reprendre du début, mon objectif (la recette quoi) pour ce 5ème brassin :
Ingrédients :
- 84.5% Golden promise malt
- 4.8% Munich malt
- 4.8% Pale crystal malt
- 1.9% Pale Chocolate malt
- 4% Flocons d’orge
- 75gr de Fuggle 5.8% en FWH
- 2 sachets de Nottingham
- Malade de magnésium et pidolate de magnésium et de calcium pour l’eau
Volume de bière visé : 18 l
Rendement envisagé : 75% (track record chronologique : une sorte de pale ale - mais surtout ma 1ère fois ! - 62%, une brown ale 67%, une stout 72%, une pale ale 85%). Par contre, j’ai lu partout que le rendement baissait avec la densité, donc prudence et 75%.
Densité initiale : 1 098
Densité finale : 1 021
IBU : 28.8
IBU / DI : 0.29
Alcool +/- 10%
Pour la 1ère fois, je décide de modifier la composition de mon eau par adjonction de substance. D’habitude, je la fais juste bouillir pour diminuer les bicarbonates mais je rince au passage le maigre calcium présent ; cette fois, je décide de conserver mes bicarbonates et d’ajouter du calcium et du magnésium (merci au lien sur le site du Nain vers le calculateur).
Un empattage à 2.7/1
48.2 l d’eau (soyons précis) soit 50% pour l’empattage et 50% pour le rinçage.
Les paliers (je préviens tout de suite, si j’ai fait comme ça, c’est que je l’ai lu, maintenant, je ne sais plus pourquoi, alors même si vous souhaitez engager la conversation sur le sujet, je répondrai pas !) :
Malt de base + flocons uniquement
- 30mn à 35°C
- 30mn à 42°C
Avec les malts spéciaux
- 90mn à 68°C
- 15mn à 78°C
Un test à l’iode
Extraction
Ebullition de 3h
Refroidissement par serpentin inversé
Passage en fermenteur sans transfert pour
- 4 semaines à 16°C
- 14 semaines à 7°C
Sucrage à l’embouteillage : 3gr/l
Puis mise en bouteille et attente de 12 semaines avant décapsulage (même si j’utilise des bouchons mécaniques).
Bon jusque-là tout va bien disait le gars qui venait de sauter du 70ème étage - et pour moi aussi, merci - ah, au fait, il est 9h30.
Broyage du malt très fin (j’humidifie les grains et je sors presque de la farine), long considérant qu’il n’y a pas loin de 8.88 kg de grains.
Empattage conforme au planning, mais je ne sais pas pourquoi, je monte le palier de 68°C à 69°C - va savoir, une intuition ?
La cuisson ne dure que 70mn, dixit mon iode.
Filtration : J’ai toujours un moût moyennement limpide, donc pour une fois, je décide de restreindre le débit au minimum, avec bien sûr recirculation des 5 1ers litres.
Je précise que j’attends un volume de 37.3l donc avec des seaux de 30l, il me faut 2 seaux. Je décide d’extraire 20l dans le 1er et le solde dans le suivant.
Miracle : les 20 1ers litres sont digne des photos de bière de Bellebouche (enfin, c’est une image mais je suis fan de ses photos qui me font très mal au moral – masochisme quand tu nous tiens !), par contre, quelle lenteur, et mon timing commence à déraper.
Donc pour le 2ème seau, j’augmente très légèrement le débit, et immédiatement légèrement moins limpide. Mais là, j’ai compris : pour les prochains brassins, plus c’est long, plus c’est bon.
J’arrive sans problème à 40.6l (je regardai pas, je faisais confiance moi !), donc immédiatement passage en mode panique, parce que ma nouvelle casserole à moi, elle fait 38l, enfin 10 US galons pour être exact. Réflexion, et grande décision (qui me fait mal, je coupe le robinet, tant pis, et je pleure intérieurement).
Prise rapide de densité (avec densimètre et correction de la température) : 1 055. J’attendais 1 053 mais pour 37.3l. Warning, warning.
Par contre, M. Megapot vend un 10 US galons, avec une petite marge, contrairement à ma casserole précédente, vendue pour 20l et qui contient effectivement 20l, pas une goutte de plus, d’où le changement de gamelle, parce que la brown ale, c’était du 20l dans 20l, très très sportif à l’empattage.
Je verse mes 40.6l de moût, je chauffe et j’ajoute le houblon. Ça passe crème, comme diraient mes fils.
Par contre, au fur et à mesure de la chauffe vers l’ébullition, je vois le niveau du houblon s’élever dans les airs, comme attiré inexorablement vers ma hotte aspirante, pourtant éteinte ; j’attends le moment où le chef d’œuvre contemporain va prendre forme, à savoir du houblon collé à l’extérieur de la marmite en bandes de tailles disparates, le tout dans un chaos destructuré du plus bel effet.
Miracle ! L’ensemble commence à bouillir.
Surtout maitriser la température pour éviter la grande déferlante qui viendrait se briser sur le bord de la marmite telle la vague le jour de grande marée sur les rochers de Saint Guénolé (pour ceux qui connaissent), pour les autres, un déferlement de moût sucré et de houblon, en guise d’écume, sur la gazinière et le plan de travail, les hurlement (justifiés) de mon épouse en prime à la découverte de l’ensemble à la fin des hostilités – je rappelle 3h d’ébullition prévues, donc une belle caramélisation près des bruleurs à prévoir).
Mais je maîtrise. 1h, 2h, 3h et là (las), je suis loin des 20l attendus post ébullition. Je rappelle, j’ai un seau de fermentation de 30l, ma zone de température régulée est prévue pour 1 seau, j’ai dit 1 ! et en plus, je n’ai que 2 paquets de levure, et le site de lallemandbrewing m’indique qu’au-dessus de 23l, je serai en sous-ensemencement.
Pas d’autre solution, je balance le surplus dans l’évier ! NON, je plaisante, on parle de Wee Heavy, donc poursuite de l’ébullition. Par chance, la casserole est graduée, certes en US galon, mais graduée tout de même ; je dois pouvoir m’en sortir. Oui, sauf que l’ébu, elle a durée 5h30, je ne parle donc plus de timing à ce stade.
On doit être sur les 22h30 /23h00 quand j’estime être à peu près au bon volume.
Tourbillon rapide, parce que j’en ai un peu marre, je dois l’admettre, plongée du hop spider et de la canne de soutirage dans la marmite et début du refroidissement par serpentin inversé.
Galère ! un tout petit filet de moût sort du tuyau, certes à 15 °C, et d’une limpidité qui pourrait humidifier mes yeux de bonheur si la chaleur et l’humidité de la cuisine ne venait pas contrarier ce projet, mais à un débit digne de … rien, rien ne va aussi lentement. Mais j’y crois, 1l, 2l … 5l, mon fils rentre de soirée à 2h45 et est très surpris de me trouver somnolant sur la chaise de la cuisine, l’œil vitreux, hagard, et fixant ce p*** de filet de moût qui ne veut pas accélérer.
Décision. Je vire les glaçons, en espérant que le réchauffement viendra fluidifier l’ensemble et améliorer le débit.
4h30, au bord de la crise de nerf et après 10l transférés - non en fait, à ce moment-là, même un escargot pourrait me battre au sprint donc niveau nerfs … -, je débranche le tout et déverse le moût non encore filtré, qui avait tranquillement refroidi à 45°C, dans le seau de fermentation ... bien sûr en mode bourrin, le spider hop ne filtre plus en raison du houblon collé sur la paroi externe et je finis de transvaser … je ne sais plus comment et franchement je ne veux pas savoir, pour un volume global de 19l remonté à 27°C.
Par contre, si je ne choppe pas une cochonnerie, je saurai qu’il existe un dieu du débutant qui a pour un court instant étendu son voile de bienveillance sur ma modeste production (si quelqu’un connait l’adresse, pour les remerciements, je suis preneur).
Prise de densité : 1 118, ou peut-être 1 116 ça choque personne ? J’aurai dû prendre une photo, mais pas eu le réflexe, sais pas pourquoi ?
Une rapide réhydratation des levures (non, en fait, réalisée dans les règles) et au lit à 5h20 … non sans avoir préalablement versé la levure dans les 19l de moût et mis le fermenteur à 16°C.
Surprise 1 : après 12h, démarrage de la fermentation, une belle mousse blanche, avec de fine bulle.
Surprise 2 : … qui atteint le couvercle après 27h (je rappelle, fermentation de 19l de moût dans un seau de 30l à 16°C). Moi, perso, je ne m’y attendais pas.
En fait, je n’étais préparé à rien de ce que je viens de vivre. Faudrait tout de même voir à ménager le brasseur novice.
Par contre, je m’interroge très fortement, ne pas réaliser de transfert en cours de route, comme envisagé initialement, est-ce vraiment raisonnable ? Oui, ok, je ne suis plus à un détail près, mais depuis le très fort démarrage de la fermentation (jamais eu ce volume de mousse), l’espoir changea de camp, le combat changea d’âme comme dit le poète : je me prends à rêver et espérer un avenir glorieux (bon, acceptable au moins) grâce à un travail opiniâtre, irréprochable et quasi divin de mes petites levures. Allez les filles.
Désolé, un peu long et sans photos, mais le lecteur attentionné aura compris qu’il me reste encore quelques détails à régler avant d’envisager sérieusement le photoreportage.
Dégustation :Meishir a écrit : (27/10/2018) Petit update sur ma wee heavy.
Déjà 4 mois depuis le brassage. L’heure de l’embouteillage a sonné … et d’une 1ère dégustation.
Au nez, c’est distinctif d’une barley wine plus que d’une wee heavy, mais je ne saurais le décrire (peut-être l'aspect fruité plus que malté).
Par contre au goût, plus facile : impression initiale, une Thomas Hardy jeune (4-5 ans), assez fruitée sans retrouver l’agressivité qui me gêne un peu sur la Thomas Hardy jeune, puis une montée de la chaleur de l’alcool qui écrase le fruité et qui laisse place au final à une note chocolatée douce mais persistante.
Les surprises :
- aucune amertume (IBU / DI : 0.20 et 1.91% de chocolate (ebc 525) - sur une autre bière à DI 1070 et 3% de chocolate malt, IBU / EBC : 0.38, le coté café prend le dessus sur le chocolat -,
- malgré la DF de 1031, une bière assez peu dense,
- à relativiser par l’absence de bulle et le goût de chocolat qui incite à boire le tout avec modération (pas trop digeste, comme un chocolat au lait trop dosé en chocolat et en sucre),
- petite déception (1) : je ne perçois pas le goût du malt, malgré les 4.84% de munich malt (EBC 25) en renfort,
- petite déception (2) : j’imaginais un réel impact de plus de 6 heures d’ébullition avec un goût de caramel très prononcé, voire de caramel brûlé : rien de perceptible directement, même si la douceur du chocolat doit probablement lui être imputée.
J’ai hâte de voir l’évolution dans 6 / 8 mois après carbonatation et vieillissement, car la finale chocolatée en lieu et place d’une caramélisation marquée me surprend quand même un peu.
J’ai un peu triché puisque j’en avais déjà ouverte une il y a environ 3 mois, … et que j’avais été un peu déçu parce qu’elle avait le défaut que je reproche à la Thomas Hardy : elle laissait une sensation de poussière dans la bouche.
Donc un peu tendu pour l’ouverture de cette 2ème bouteille (à 14°C environ).
A l’odeur, tout va bien : bien fruité, ma traduction de ce qui doit en fait être une bonne odeur de malt.
1ère gorgée : bien dense, mais pas sucrée en raison d’une légère amertume, vineuse. Jusque-là tout va toujours bien, mais j’entends une petite voix à côté de moi : « oui, mais elle sent trop la réglisse ». Il faut dire que j’adore le goût de réglisse, et mon épouse pas du tout ; donc je ne l’avais même pas remarqué. Et mon épouse dans sa grande sagesse : « bon, mais dans 2 / 3 gorgées, je ne la sentirai plus » (c’est un fait scientifiquement prouvé par une méthode empirique rigoureuse).
On sent bien qu’elle est plus alcoolisée que la moyenne après quelques temps. Le gros avantage, elle se boit très lentement.
Reste un petit bémol : après le repas, je suis venu me réinstaller dans le canapé, et je suis saisi par une forte odeur de bière, limite désagréable (trop puissante) bien que les verres soient vides. J’ai dû me résoudre à les déplacer dans la cuisine pour reprendre une vie olfactive normale !
Et la sensation poussiéreuse ? Partie, disparue, comme quoi la patience paie (1 an ½).
Donc une superbe expérience pour un résultat des plus satisfaisants qui coche toutes les cases de sa catégorie.
Une dernière petite citation de mon épouse : « c’est très atypique … mais c’est bon ».
Et de mon fils et de sa copine (majeurs je précise) : « … » . C’est la 1ère fois que mon fils ne parle pas et boit lentement. On a eu beau leur dire que si ils n’aimaient pas, ils ne devaient pas se forcer, d’autres s’en chargeraient, mais je n’ai pas eu ce plaisir (faites des gosses !).
Petit message pour les nouveaux entrants : vous n’êtes pas obligés de brasser votre 1ère Barley Wine / Wee Heavy au 5ème brassin ; sur le coup, cela reste un peu violent comme expérience.
Et pour le visuel, cela donne :