Hier, j'ai brassé pour la première fois depuis mon retour de formation, donc la première fois depuis cet été. J'en pouvais plus !!
J'ai commandé quelques levures à notre cher Coyotl, mais malheureusement, il est un peu débordé et donc, je ne les reçois que très bientôt. Que faire pour assouvir cette envie de brasser ? Mais en fait, depuis quand on a besoin de levures de culture pour brasser ?
Je me suis donc attaqué à un style qui me tente depuis un moment : la Duivelsbier van Halle.
Quelques mots sur le style. Il s'agit d'une bière disparue du paysage brassicole il y a une soixantaine d'années. Seuls restaient une version brassée par Boon, mais je pense qu'ils ne la produisent plus. Elle était vendue sous le nom de Duivelsbier Donker, mais je ne suis pas certain qu'il s'agissait d'une fermentation spontanée, les descriptions que j'ai pu trouver parlent d'une bière douce.
Je tire mes informations du Petit Journal du Brasseur n°943 de novembre 1912, consultable à la Bibliothèque Royale de Bruxelles.
Il s'agit d'une bière dont l'originaire nous ramène à la fin du XVIIè - début du XVIIIè siècle. Comme son nom l'indique, elle est originaire de Halle (périphérie de Bruxelles). Elle est relativement apparentée au lambic, sachant que son processus de fabrication et fermentation est similaire.
Environ 1/2 orge malté, 1/2 blé cru finement moulu. On peut supposer que l'orge utilisé est un 6 rangs d'hiver, comme pour le lambic, l'Escourgeon par exemple.
La fabrication est décrite comme suit :
- Hydratation avec de l'eau à 45°C.
- Allonger ensuite en débattant pour avoir 55°, on vague environ 20 minutes et on soutire une partie chargée en farine dans la cuve à moût trouble.
- On fait couler l'eau bouillante sur ce qu'il reste dans la cuve en vaguant et lorsqu'on atteint 65°C de manière uniforme, on soutire à nouveau le moût chargé.
- On répète cette action une troisième fois à 75°C et à ce moment, on effectue un palier de saccharification.
- Pendant ce temps, le moût trouble a subi une transformation des amidons en sucres plus ou moins complexes. On le fait bouillir et il repart en cuve matière pour être filtré.
- On fini par un lavage des drêches à l'eau bouillante jusqu'à obtention du volume désiré.
- Après 4-5 heures d'ébullition, le moût par en bac refroidisseur. Certaines brasseries accélèrent le refroidissement à l'aide de ventilateurs.
- Le moût est ensuite entonné en barriques de préférence déjà amorcées et directement bondonnées. On laisse tel quel pendant 24 mois. Attention à ne pas produire/conserver le moût à trop haute température sous peine de produire une bière viciée On recommande d'entonner à 7°C.
Moelleuse en bouche, se situe entre le lambic et la oud bruin. Elle peut être consommée avec du sucre.
Quelques réflexions :
- Le mode de production décrit ressemble fort au lambic, en tout point, si ce n'est le ratio orge/blé cru plus élevé que dans ce dernier.
- On ne cite ni le versage, ni la densité initiale (à moins que je sois passé à côté). Donc on peut déduire la densité initiale de par l'atténuation et la densité finale, mais le versage aurait été intéressant pour évaluer l'efficacité des installations avec ce genre de composition de recette.
- Pas de doses de houblon utilisée non plus, mais vu les similitudes avec le lambic, on peut tabler sur 500gr/Hl (source : Cantillon).
- L'orge malté d'époque était plus similaire à un Vienne/Munich actuel, la bière finale étant foncée.
- Les installations d'époque possédaient une cuve matière assez petite (loi hollandaise qui a tenu pendant longtemps qui basait les accises sur la taille de la cuve matière) non chaufée, donc tout se fait par ajout d'eau.